Figurations de la nudité des corps en général

**************

Au Moyen Age le corps est contraint par les normes édictées par l’Eglise - institution en situation dominante - mais il résiste cependant à son refoulement total.
D’un côté, le christianisme glorifie le corps. Du fait de l’incarnation de Jésus l’humanité a été rachetée.
De l’autre, le christianisme institutionnalisé réprime le corps. Le salut passe par une pénitence corporelle. Il faut garder présent à l’esprit le projet moralisateur d’exhortation du chrétien au respect des prescriptions de l’Eglise et à l’attente du Jugement. Les tensions entre le monde d’en haut et le monde d’en bas, entre l’âme et le corps laissent entrevoir les tensions propres au corps. Sur le bruit de fond continuel du combat entre les choses de la terre et les préoccupations d’ordre spirituel, entre Carême et Carnaval,
le corps chrétien médiéval est l’objet d’une tension entre l’exaltation et le refoulement.
Au sujet de la nudité le christianisme se sépare nettement des usages antiques. Des objets, des monuments de l'Antiquité représentent des scènes manifestant l'adoration des organes sexuels. Au lieu et place de ces rituels et de ces ornementations allégoriques antiques de la sensualité et de la propagation de l'espèce, l'Eglise institutionnalisée transforma la nudité et la sexualité sans retenue en péchés de la chair. En d'autres termes, alors que durant l'Antiquité le corps se cultivait par l'exercice physique, au Moyen Âge les pratiques sportives antiques sont dévalorisées, l'esprit et l'intériorité prennent la place du physique et du matériel.
Dans cette perspective, à l'époque médiévale, les rapports à la nudité apparaissent notoirement ambigus parce qu'une dimension érotique n'était pas forcément associée au corps nu. La nudité, loin d'évoquer la sexualité, la licence, est aussi le symbole de la pureté par la figuration de l'âme sous les apparences d'un enfant ou de l'innocence première sous les traits d'Adam et Eve avant la faute originelle ; dans l'imagerie des Jugements derniers les condamnés aux tourments infernaux seront représentés jetés nus dans la bouche béante du Léviathan. Ainsi au Moyen Âge, la nudité oscille le plus souvent entre le rappel de l'innocence d'avant le péché originel et la luxure. Les sculpteurs romans représenteront des corps nus essentiellement dans trois types d'images : - le couple biblique de la Création, - l'âme humaine - et les jugements derniers.


nd-grande-pict002933
Notre-Dame-la-Grande, Poitiers, Vienne
tavant-pict0010

Eglise de Tavant, Indre-et-Loire

0026e0301-pict0205
Eglise d'Aujac, Charente-Maritime Pèsement des âmes.