A la fin des temps : les réprouvés
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L’iconographie du Jugement dernier a plus retenu l’intérêt par ses scènes diaboliques que par les paisibles processions des justes. Cette sobriété constatée dans l'évocation des élus - sans doute voulue par les auteurs bibliques - s'est trouvée dépassée par l'exubérance de l'imaginaire religieux des sculpteurs médiévaux lorsqu'il s'est agi de représenter les damnés condamnés " au feu éternel préparé pour le diable et pour ses anges". Ces images de corps torturés par des diables n'avaient pourtant pas de fondement véritable dans les Saintes Ecritures canoniques.
Sans doute était-il plus facile de réaliser des images de l'enfer susceptibles d'inspirer de bons comportements par la crainte du châtiment que de suggérer l'état de béatitude céleste. On peut penser aussi qu'il s’agissait avant tout pour les commanditaires et les artistes d’inspirer l’effroi parla figuration de contre-modèles.
Tympan du Jugement dernier. Cathédrale Saint-Lazare, Autun, Saône-et-Loire.
Sous un Christ majestueux dans sa mandorle sont représentés des cortèges humains ; alors qu' à sa droite, les élus convergent vers un paradis distillant calme et et harmonie ; à sa gauche, l'enfer grouillant de démons immondes avale les corps prostrés des damnés.
A l’ordre régnant dans l’évocation paradisiaque s’oppose le désordre dans les scènes infernales. Les justes jouissent de la contemplation béatifique pendant que les damnés sont soumis aux tourments spécifiquement associés à leurs péchés. D’un côté, les élus - nus ou vêtus - ont une expression sereine et joyeuse ; de l’autre, les damnés - nus le plus souvent - ont des corps déformés par la crainte du châtiment.
L’opposition fondamentale entre le Bien et le Mal se lit avec force sur les tympans que ce soit à Autun, à Conques, ou à Arles par exemple.
** Corps tourmentés sur la façade de Saint-Trophime d'Arles, Bouches-du-Rhône.
Un ange tenant un glaive garde la porte du Paradis. Au-dessus apparaît la main de Dieu. Deux prélats - vêtus - condamnés portent la main à leur front en signe de désespoir.
Frise des réprouvés enchaînés s'éloignant du Christ en direction des feux infernaux.
Les damnés nus et terrorisés au milieu des flammes de l'enfer entretenues par un démon cornu.
A l'extérieur du porche, sur le retour droit s'achève la représentation de l'enfer : un démon grimaçant porte deux âmes, têtes en bas.
Enfin, un homme nu, coiffé d'un bonnet phrygien, porte deux petits personnages, les Cercopes, nains voleurs punis par Hercule pour avoir tenté de lui dérober ses armes et qui, restés sourds à la parole divine (ils se bouchent les oreilles), vont en enfer.
** Corps tourmentés au tympan de la cathédrale Saint Lazare, Autun, Saône-et-Loire
Dans le cas des tympans comme dans celui des chapiteaux, les scènes sculptées qui résultent d’une volonté de marquer les esprits des croyants pouvaient être accompagnées d’inscriptions latines. Ainsi peut-on lire sur le linteau du tympan de la cathédrale d’Autun :
« C’est ainsi que ressuscitera quiconque ne sera victime d’une vie de péché - pour lui brillera sans fin la lumière du jour » et « Que semblable terreur terrifie ceux que détient l’erreur terrestre - car l’horreur de ces images annonce ce qui les attend ».
Des démons attirent des êtres humains éplorés ; d'autres en enfournent dans les lieux infernaux.
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Dans la cohorte des condamnés certains se cachent le visage alors que d'autres résignés se joignent les mains.
Ces images de fin des temps sont réalisées en référence à des comportements de la vie courante. Ainsi les corps tourmentés des réprouvés sont représentés d’après les mauvais exemples qui s’écartent du droit chemin : la femme adultère, l'ivrogne et son tonnelet...
Dans le groupe des damnés on remarquera de même l'avare portant sa bourse sur la poitrine.
Dans la cohorte des réprouvés nus on remarquera avec effroi les énormes mains extrayant de sa tombe un personnage terrifié.
** Corps tourmentés sur la façade de l'ancienne abbatiale Sainte-Foy de Conques, Aveyron.
Satan à la tête de son royaume infernal, un serpent entre les jambes, repose ses pieds sur un personnage allongé léché par un batracien. Dans les lieux infernaux les péchés capitaux sont punis.
Détails du tympan.
L'usurier pendu avec sa bourse autour du cou ; un démon tire la corde qui le retient à une potence.
Un démon arrache la langue d'un personnage assis dans le feu représentant la calomnie.
Un démon plonge un damné au ventre rebondi dans un chaudron d'eau bouillante ; on peut voir dans cette représentation la punition d'un être ayant péché par gourmandise.
Un abbé orgueilleux, reconnaissable à sa crosse étendue près de lui, est humilié en devant rendre hommage à un être démoniaque.
Un chevalier désarçonné de sa monture par deux démons : évocation du châtiment d'orgueil.
Evocation de la luxure ou de la femme adultère liée par le cou avec son amant.
Des démons armés d'un pic, d'une masse d'armes, d'une arbalète, d'un glaive s'en prennent à des réprouvés.
Cette composition scénique regroupe à la fois de mauvais moines qu'un faux-monnayeur avec son matériel de travail tient en main l'instrument du frappeur de monnaies et un un individu terrassé tenant un livre à la main.
Hissé par les pieds un ivrogne rejette toute sa boisson.
© Crédit photo : père Igor. Détail du linteau : le monde infernal.
A la tête de son royaume Satan trône, un serpent enroulé autour de ses jambes, entouré de quatre démons. Un
réprouvé est précipité dans la gueule du Leviathan tête la première et les pieds en l'air.
** Corps tourmentés sur la façade de Saint-Sernin de Toulouse.
Deux diables labourent le bas-ventre d'un homme avec des instruments de supplice en raison de ses excès sexuels.
Tympan du jugement dernier, église de Santa Maria la Real, Sanguesa, Navarre, Espagne.
A côté d'un masque horrible des personnages nus représentent des damnés.
Les réprouvés, cathédrale de Tudela, Navarre, Espagne.
Sur l'immense enfer qui se déroule sur le côté droit des archivoltes du portail du jugement de la collégiale-cathédrale de Tuleda on trouve des représentations de métiers et des châtiments de ceux qui adoptent dans leur tâche de mauvaises pratiques.
Deux drapiers falsifient la mesure.
Le châtiment du drapier est alors représenté par un personnage chargé d'un ballot de toile et possédant une baguette à mesurer à la main ;il est fustigé par un diable.
Le boucher pèse la viande en fraudant sur le poids en appuyant d'une main sur un plateau de la balance. En outre il vend de la viande semblable à celle du chien figurant sous sa table et non la viande qu'on est en droit d'attendre.
Le châtiment du boucher voleur en exerçant son activité est figuré ailleurs par un diable entouré de deux condamnés armés de coutelas de boucher.
Chapiteau extérieur au sommet de la colonne, face Sud du palais royal, Estella, Navarre, Espagne.
Le châtiment des avares dans les lieux infernaux. La partie gauche du chapiteau représente deux avares dont les mains retiennent la bourse suspendue à leur cou.
A droite des démons manœuvrent un chaudron dans lequel est plongé un malheureux pieds en l'air et tête en bas.
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