Heurtoirs et cloches de porte Buxerolles / Poitiers

Heurtoirs et cloches de porte
Buxerolles/Poitiers
Images anciennes et modernes d'un petit patrimoine
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Si les visiteurs se signalent aujourd'hui par des sonnettes électriques, voire des visiophones, pendant des siècles leur présence aux résidents du lieu était annoncée par des heurtoirs de porte ou par de petites cloches.
Ces systèmes mécaniques, à la fois esthétiques et pratiques, apportaient une touche d'élégance et de charme aux entrées.

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Plusieurs repérages ont permis d’identifier à Buxerolles quelques survivances du temps passé, mais en nombre restreint avec une densité plus forte dans le quartier de Lessart qui était du XVIIIe au milieu du XXe siècle le cœur économique de la commune avec ses commerces d'alimentation et son artisanat ( menuiserie, saboterie et maréchal-ferrant ). La Loubantière, La Dinière , la Caborne et la rue de la Vincenderie recèlent également des spécimens variés.
Toutefois le nombre limité de ces avertisseurs sonores d'antan au Pays des Buis nous conduit à enrichir le sujet en jetant un regard complémentaire sur ceux de Poitiers ; en outre, de la comparaison entre systèmes appareillant habitations rurales et demeures urbaines mettra en évidence l'importance du statut social des résidents.

I- Les heurtoirs de portes d'entrées
Ces heurtoirs, encore appelés marteaux de porte, ornèrent pendant longtemps de grandes ou petites portes d'entrée.
Ce sont des accessoire fixés sur la face extérieure d'une porte d'entrée, à hauteur d'homme, dont une partie est articulée et peut être frappée sur une pièce en métal qui était nommée " le clou " ou directement sur la porte afin d'émettre un son et ainsi permettre aux visiteurs de signaler leur arrivée aux occupants.
La partie mobile, suspendue, prend le plus souvent une forme de marteau. Au XVIe siècle, on recourt aux heurtoirs en forme d’anneau ou de boucle, avec un poids à l’extrémité, pour les portes d’hôtels particuliers et de maisons. .
* Les composants d’un heurtoir
Un heurtoir est généralement constitué d'un élément mobile, souvent en forme d'anneau, de marteau ou de maillet, et d'une partie immobile sur laquelle est fixé l'élément mobile.
On utilise la partie mobile pour frapper sur la porte ou sur la partie fixe. Les anneaux peuvent aussi servir à tirer la porte. Les heurtoirs sont généralement faits de divers métaux, et peuvent être plus ou moins richement décorés.


De simple piton au départ l'attache fixée sur la porte est plus ou moins élaborée jusqu’à prendre une forme par exemple de tête de lion. L'élément mobile articulé autour d’un axe inséré dans l’attache constitue le battant. La partie inférieure de ce dernier comporte une partie plus importante qui frappe le clou de percussion fixé sur la porte. La pièce métallique fixée sur la porte- le clou - est parfois manquante.

Située sous l'attache - la platine - est un élément facultatif ouvragé de faible épaisseur pouvant venir renforcer l'aspect ornemental. Lorsque la platine est de petite taille elle est dénommée écusson.

Le visiteur saisissait la partie articulée du heurtoir, placé à hauteur d'homme, et donnait des coups sur le clou de percussion. On dit même qu'à la façon d'utiliser cet avertisseur sonore les visiteurs pouvaient être reconnus des occupants des lieux.
Jusqu’au XVIIIe siècle, les heurtoirs étaient réalisés à l’unité par des serruriers. A partir du XIXe siècle, les fondeurs ont reproduit les heurtoirs de manière semi-industrielle, en fonte, en laiton ou en bronze.
A Buxerolles, on peut penser qu'un artisan maréchal-ferrant comme il en existait dans la commune en 1900, tels les frères Victor et Elie Guyonneau à Lessart pouvait réaliser certaines pièces.

* Des modèles différents de heurtoirs
Quatre grands types de formes peuvent être distingués, simples ou sophistiqués.
☞ Heurtoirs en forme de marteau Une forme simple du heurtoir existe depuis le Moyen Âge.

Encyclopédie Diderot, Denis, D’Alembert

Heurtoirs sur une porte secondaire ancienne avec arc en plein cintre du logis de la Loubantière.


Une pièce rustique en fer forgé en forme de marteau ; l'attache est un piton.

Dans tous nos repérages buxerollois c'est le seul marteau que nous ayons trouvé. Aussi faut-il aller jusqu'à la grande voisine - Poitiers -pour se faire une idée de la diversité des modèles. En voici quelques exemples, aux formes et motifs décoratifs divers, montrant que les heurtoirs à marteau ne furent pas en usage seulement pour les portes d’habitations rurales.

On observe notamment une étonnante variété de formes et de motifs décoratifs dans la seule rue Champagne.

Heurtoir avec une boule type de bélier frappant le clou.
Les détails sont atténués par les couches de peinture successives. Rue de la Chaîne.


Bel heurtoir de forme plus ouvragée évoquant une étrange créature... Rue Gambetta.

Heurtoir dit col de cygne.Grand Rue.

☞Heurtoirs en forme de boucle

Une pièce rustique du portail secondaire du logis de la Loubantière.

Maison ancienne ( 1884 ) parfaitement entretenue dont la porte dispose d'un heurtoir moderne à titre de cachet.

Heurtoir en forme de boucle dite aussi en cuisses de grenouille.


Autre modèle en laiton poli avec porte-nom. Rue des Terrageaux.


Boucle moderne avec platine ornementale. Rue du Sentier.

Les heurtoirs à boucle - anciens et modernes - aux formes et motifs décoratifs divers, se retrouvent également à Poitiers.

Heurtoir typique en forme de boucle. Rue Descartes.

Un petit écusson ornemental. Grand rue.

Poids à l’extrémité de la boucle bien visible. Rue de la Bretonnerie.

Une platine assure l'aspect décoratif de cette boucle à l'aspect ancien. Rue du Palais.

Un autre type de platine assure l'aspect ornemental de cette boucle en cuisses de grenouille. Rue Saint Maixent.

Une belle platine de type animalier : chouette dévisageant le visiteur. Rue de la Marne.

☞ Heurtoirs en forme d’anneau
Les heurtoirs en forme d' anneau unique sont les plus anciens apparus dès le XIe siècle sur les portes des églises.

Rare exemple d'anneau sur un vantail de la porte de l'église de Champagné-Saint-Hilaire, Vienne.
" Saisir l’anneau " d'un édifice religieux signifiait demander l’hospitalité et l'asile et se mettre sous la protection de l'autorité du lieu.

* On en trouve - rustiques ou le plus souvent modernes - aux vantaux de portes d’habitations.

Anneau très simple articulé sur une petite attache. Rue de la Vincenderie.



L'anneau comporte une partie renflée qui frappe sur une grosse tête de clou. Ce type de heurtoir en anneau facilite le tirage des vantaux lors de leur fermeture. Rue du Clos de l'Oie.


L'anneau comporte une partie renflée qui frappe sur une grosse tête de clou. Ce type de heurtoir en anneau facilite le tirage des vantaux lors de leur fermeture. Rue du Clos de l'Oie.

*Anneau articulé dans la gueule d’un lion.

Le lion représente la force, la puissance, le courage. Il est aussi sensé prévenir les mauvais esprits de s’approcher de la demeure.

Encyclopédie Diderot, Denis, D’Alembert



Deux heurtoirs apportent une touche de design et d’élégance aux vantaux d'un grand portail blanc aisément repérable à la Dinière.

Bien que malheureusement leur ancienneté ne soit pas leur caractéristique majeure, ces pièces distinctives et charmantes ajoutent une touche rustique et accueillante à l'entrée de la propriété. 
Cette œuvre est dupliquée sur les deux vantaux du portail.

Détail. Figure grotesque ou diabolique.

Détail. Le gros plan de l'anneau permet de faire apparaître deux putti ( enfants nus joufflus ).

* Rares à Buxerolles, de nombreux vestiges ( ou copies modernes ) de ces anneaux dans la gueule d'un lion nous sont parvenus et se laissent admirer à Poitiers, notamment dans les voies proches de la rue de la Chaîne et du quartier des Trois Rois.
Il faut savoir regarder !
S'il évoque la majesté, la force et la puissance, le lion apparaît gardien des portes de la demeure.`Ceux représentés ci-dessous tiennent entre leurs puissantes mâchoires l'anneau symbole de l'accueil et de la protection.

Rue de la Chaîne.

Rue de Penthièvre.

Rue Cloche Perse.

☞Heurtoirs en forme de main
Cette forme particulière de marteau est une production des fondeurs au début du XIXe siècle. Ce sont souvent des mains de femme. Ils sont généralement en fonte car le matériau est plus économique que le laiton.

Cette vénérable pièce unique de ce type très caractéristique n'est visible que sur une vieille porte d'entrée de propriété à l'abandon à la Caborne.

Les doigts de cette main gauche sont courbés sur une boule ; une bague est portée à l'annulaire.

* Là encore c'est à Poitiers que l'on retrouve en plus grand nombre des heurtoirs en forme de mains.

La plus courante est celle avec une manchette ornée d’un gros nœud de ruban.

Belle main droite avec un nœud ornant la manchette. Rue des Trois Rois.


La main droite est représentée avec une bague au majeur. Rue de Penthièvre.

Un écusson ouvragé peut être observé. Grand rue.

Le nœud décoratif et l'écusson sont différents des précédents. Grand rue.

Belle main gauche avec une bague au majeur. Grand rue.


* Une main insolite à l'ancien commerce d'alimentation de Lessart.


C'est sur cette porte à imposte que le regard est attiré par une étonnante main.

Une main très simple mais originale car découpée dans une plaque de tôle.



On ne s'attend pas, a priori, au pays des Buis, à être en présence d'un objet portant les caractéristiques d'une main de Fatma.

L’objet est intéressant parce qu’emblématique des pays musulmans, et plus particulièrement du Maghreb.

@ Bernard Gagnon
Heurtoir en forme de khamsa, N'Kob, Maroc

En arabe, on appelle ce symbole la khamsa (ce qui signifie le chiffre cinq). La main de Fatma est une représentation stylisée d’une main, avec des variantes : la plupart ont le pouce et l’auriculaire de la même taille ( avec souvent un œil au milieu de la paume). Les cinq doigts de cette main symbolisent pour certains les cinq piliers de l’Islam. Ils pourraient également figurer les cinq membres de la famille du Prophète.
D'après les chercheurs elle tiendrait ses origines dans la représentation de la main de Tanit déesse de la fécondité dans la civilisation punique. La forme symétrique garde la mémoire d'un symbolisme sexuel où les trois « doigts » centraux représentent le sexe masculin, accueilli dans le creux des deux « doigts » latéraux représentant le sexe féminin.
La main de Fatma est censée protéger du mauvais œil. Elle représente la protection pour les femmes, notamment enceintes et les enfants.
Beaucoup de filles et de femmes la porteraient pour monter leur appartenance ou leur attachement au Maghreb. Toutefois, certains musulmans la considèrent simplement comme un symbole de superstition.

☞ Les heurtoirs avaient aussi une fonction ornementale pour montrer le rang social des occupants des hôtels particuliers ou vieilles demeures.
En tant que premier contact que le visiteur avait avec le logis le heurtoir est l’élément qui donne tout son caractère à une porte d’entrée. Par son cachet c'est ainsi l’occasion de se démarquer de son voisinage et de ses relations. Ces objets pouvant être richement ouvragés, révèlent le statut social des occupants du lieu. Si certains d'entre eux peuvent être, à certains égards, élevés au rang d' œuvres d'art, d'autres sont des productions industrielles.

*On peut le voir historiquement à l'aide de cette planche tirée de l'Encyclopédie Diderot Denis, D’Alembert pour le XVIIIe siècle.

* Certaines portes anciennes - en dehors de notre Poitou - se parent parfois, encore aujourd’hui, de magnifiques heurtoirs qui ont été historiquement façonnés par les artisans serruriers d’antan, à partir de matériaux aussi divers que la fonte, le bronze, le laiton.
Au-delà de leur fonction première pratique, en apportant une touche d'originalité par de riches motifs décoratifs ils s'élevaient souvent au rang de véritables œuvres d’art.
Les heurtoirs étaient communément agrémentés de petits personnages faisant référence à la mythologie ou à la religion : héros grecs, anges, démons, dieux antiques…
En témoigne, à titre d'illustration, cette brève sélection recueillie, à fin d'illustration, loin de nos territoires communaux.
Ainsi, les heurtoirs de porte arboraient une grande variété de formes et de symboles (chimères, griffons ailés, monstres), reflet d’une époque ou d’un style bien particulier.


* Dans les rues de Paris, à l’entrée de certains immeubles, de vieilles portes cochères ont conservé leurs ferronneries d’origine. En voici quelques exemples sur des centaines disponibles sur le web.

© Paris Myope
Un heurtoir marteau de porte en forme de sirène, de style Renaissance. Datant de 1890, il est situé au 2, Cité Malesherbes dans le 9e .

© C-D. L’œil ouvert
Un heurtoir présent sur la porte de l’hôtel Guebriant, acquis historiquement par le baron de Rothschild, situé au 33, rue du Faubourg Saint-Honoré dans le 8e. Représentant Poséidon, cette œuvre est dupliquée sur les deux vantaux de la porte cochère.


© Paris Myope
Un heurtoir marteau de porte, au 5, avenue Sully Prudhomme dans le 7ème, représentant Icare et Bacchus, datant de 1920.


© C-D. L’œil ouvert

Il est intéressant d'observer que ce heurtoir est analogue à ceux des vantaux d'un portail de la Dinière. Ce qui permet de souligner, ici comme là, l'importance du statut social des occupants des lieux.

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La brève quête, à titre comparatif, de quelques heurtoirs, non seulement à Poitiers mais encore à Paris, peut paraître à première vue s'éloigner de notre sujet ; mais ce détour permet de comprendre, certes indirectement, l'absence générale de pièces sophistiquées au pays des Buis.
Les motifs décoratifs des habitations buxerolloises sont sans commune mesure avec ceux des demeures de riches marchands ou d'hôtels particuliers des grandes cités ; le jeu du registre de la comparaison sociale y est moindre. Le besoin de se démarquer socialement, s'il joue ici aussi, au pays des Buis, se manifeste selon les possibilités économiques des agents…