Sorties de toit à mitre et mitrons
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Chemin de la Loubantière.
Cette maison présente toute une gamme de sorties de toit.
Il existe une pluralité de sorties de " chapeaux de cheminées " : les dalles et les dallettes en ciment reposant sur quatre cales, voire le long tuyau en zinc ou en inox rehaussant la cheminée pour son tirage, les mitrons tronconiques en terre cuite …jusqu’au moderne aérateur-extracteur statique.
Une mitre est, ce qu'on appelle dans le langage commun, un chapeau couronnant une cheminée. La mitre doit être un obstacle pour tout ce qui pourrait entrer dans la cheminée, mais il faut aussi que la fumée puisse sortir facilement.
Concrètement une mitre se présente sous la forme d'une pièce métallique, de pierre, de brique, de béton ou de terre cuite, placée au sommet d'une cheminée afin d' empêcher la pluie, la neige ou le vent de pénétrer dans le conduit tout en laissant la fumée s'échapper et d'améliorer le tirage thermique.
A l'origine richement ouvragées, certaines mitres deviendront un élément de composition architecturale à part entière. L'usage de ce dispositif singulier et orné adopté dans les ouvrages du XIIe siècle et dans certaines régions comme la Bresse sera remplacé majoritairement à l'époque contemporaine par des appareillages simplifiés et disparaîtra lorsque la société industrielle produira en nombre les souches et les assemblages à dallette.
♦️Ah que les mitres d'antan étaient belles !
Construits avec grand soin ces conduits affectaient autrefois souvent une forme monumentale qui surmontait d’une façon gracieuse le faîte des édifices.
Ainsi les conduits de fumée des cheminées du XIIe siècle sont ordinairement cylindriques à l’intérieur et terminés au-dessus des pignons ou des combles en forme de grosse colonne couronnée par une mitre en forme de lanterne couverte par un cône.
Ces tuyaux ne sont ouverts que sur la circonférence du cylindre et sont fermés entièrement au sommet ; la fumée ne pouvait ainsi s’échapper que par les côtés.
Au XIIIe siècle, les tuyaux de cheminée sont souvent ouverts sur les côtés et à leur extrémité supérieure. Viollet-le-Duc dans son dictionnaire raisonné de l'architecture française en donne de bonnes représentations.
Les exemples de ces sortes de tuyaux sont encore nombreux ; nous en présentons deux assez remarquables conservés dans des abbayes romanes et deux fort singuliers que sont les cheminées sarrasines et vénitiennes. Ce détour par l'histoire et l'espace permettra de mieux saisir les solutions adoptées à l'époque moderne.
♦️Cheminées romanes
Cheminée de l'abbaye de Nouaillé-Maupertuis, Vienne.
L'aile occidentale est la seule partie conservée des bâtiments du XIIe siècle. Non loin du clocher-porche, une cheminée cylindrique ajourée de fentes étroites décorées de dents-de-scie et terminée par un couronnement conique du XIIe siècle jaillit de la toiture. Elle laisse supposer la présence du chauffoir de l'abbaye ( seule pièce chauffée à l'époque ).
Ce type de cheminée est bien typique de l'âge roman ainsi qu'on a pu personnellement l'observer sur les toits de l'abbaye Notre-Dame de Sénanque, Gordes, Vaucluse.
Cliché d'une des deux cheminées romanes surmontant le toit du chauffoir. De forme carrée à la base elles se continuent en une colonne ronde sur laquelle viennent reposer huit petits piliers carrés supportant un cône de pierre couronné par un fleuron.
♦️Cheminées " sarrasines "
Crédit photo : Chabe01 Wikipedia
Cheminée de la ferme de la Grange du Clou, Saint-Cyr-sur-Menthon, Ain.
La cheminée dite sarrasine est un type de sortie de toit typique des fermes bressanes.
À l'extérieur, cette cheminée typique a l'aspect d'un petit clocher. Généralement surmontée d'une croix, elle correspond avec un foyer placé au centre de la pièce, dont on pouvait faire complètement le tour, feu central et fumée s'échappant par un orifice au centre de la toiture. Cette ouverture devant être fort large, on dut parer à l'inconvénient qui pouvait résulter de la pénétration de la pluie et du vent, en la surmontant d'une cheminée très élevée, munie d'étages superposés, de baies latérales, tout comme les lanternes des clochers.
♦️Cheminées vénitiennes
Voici quelques spécimen typiques de la cheminée à cloche vénitienne empruntés à Claudio Boaretto ….
Comment s'expliquent les formes bizarres à tronc de cône ou parallélépipèdique de ces cheminées ?
Le tissu urbain ayant toujours été très dense à Venise, combiné souvent à une basse pression atmosphérique, faisait que les cheminées possédaient un mauvais tirage…. Les étincelles et les petits morceaux de charbon ou de bois incomplètement brûlés, se mêlant aux cendres, s’échappaient par le conduit des cheminées augmentant ainsi les risques d’incendie, nombreux dans la cité….
Les vénitiens, ingénieux, trouvèrent la solution en couvrant les cheminées d’un toit et revêtirent la dernière partie d’une double paroi appelée «mantello» (manteau)…. la fumée fut alors obligée de sortir en dessous de ce toit, la paroi intérieure étant percée de trous permettait à la fumée de s’évacuer entre cette paroi intérieure et la paroi extérieure, en tourbillonnant et en se refroidissant, tout comme les escarbilles prisonnières entre ces deux parois….Ainsi le vent ne pouvait plus éparpiller les petits morceaux de charbon ou de bois incomplètement brûlés et encore chauds sur les toits.
♦️Et à Buxerolles ? Mitres locales d'hier à aujourd'hui.
Ce détour historique et géographique aide à mieux saisir en comparaison l'absence d'un puissant style régional dans les sorties de toit de la commune. Notre champ d'observation révèle davantage l'adoption d'un style contemporain universel.
On ne trouve même plus dans notre commune les cheminées à mitres classiques qui surplombent les maisons au tournant du XIXe-XXe siècles à l'exemple de celle-ci que nous avons photographiée à l'Epine ( Vendée ) :
L’évolution des modes de chauffage, l’invention de nouvelles techniques et de nouveaux accessoires pour conduire les fumées, l’évolution des modes de construction et une certaine « standardisation » des toitures, ont plutôt banalisé la construction des conduits de fumée, des souches et sorties de toit. Les boisseaux calibrés et la réglementation croissante ont accentué le phénomène.
Ainsi, dans la seconde moitié du XXème siècle, les sorties de toit furent-elles majoritairement d’aspect similaire, juste couvertes d’un enduit-ciment. la sortie de cheminée faisant partie des éléments du bâti que l’on a considéré alors comme secondaires au moins d’un point de vue esthétique.
Par suite, si les mitres contemporaines animent toujours le paysage des toitures c'est d'une façon moins gracieuse que celles d'antan lesquelles contribuaient à l’équilibre des compositions architecturales et donnaient du style aux demeures.
Cette banalité courante surplombant les toitures s'explique par le moindre coût dû à la standardisation industrielle et par la recherche de l'efficacité, dimensions qui l'emportent sur l' esthétique caractéristique de certaines cheminées régionales d'antan.
Rue Hippolyte Véron.
Cette vieille souche comporte une " mitre " originale constituée de tuiles reposant sur de multiples cales assises sur le couronnement de briques.
Chemin de la Loubantière.
Les constructions relativement anciennes comportent le plus souvent une simple dalle comme mitre de sortie de toit.
Chemin de la Loubantière..
Une dalle prend appui sur un beau couronnement en pierre ; ce dernier disparaîtra dans les constructions récentes.
Rue de l'Orbras.
Cette dallette constitue la mitre la plus commune aujourd'hui dans le paysage communal des toitures. Alors pourquoi avoir retenue celle-ci ? C'est parce- qu' elle a le mérite de laisser voir un grillage. Ce dernier empêche les oiseaux d´entrer dans la cheminée et sert en même temps de pare-étincelles pour empêcher les tisons de s´échapper de la cheminée.
Les trous du grillage ne doivent être ni trop grands ni trop petits. Des trous trop petits peuvent facilement se boucher partiellement ou totalement et empêcher la fumée de s´échapper, tandis que des trous trop grands pourraient laisser passer des petits animaux et des tisons.
Chemin de la Grande Sablière.
Les mitres d'antan étaient faites en terre cuite, en brique ou en pierre ; elles sont tout aussi bien aujourd'hui de nature métallique ; standardisées le plus souvent on en trouve de différentes formes sur les catalogues commerciaux. Nous ne retiendrons ici que deux exemplaires ayant le mérite de la singularité.
Rue du Sentier.
Un dispositif plus sophistiqué que les simples dalles et dallettes omniprésentes surplombant couramment les sorties de toit. Le toit de la mitre servant à empêcher la pluie et la neige d´entrer dans la cheminée, il doit être un peu plus grand que le conduit
qu´il protège pour une plus grande efficacité.
♦️Mitrons de cheminée : 1, 2, 3, …7.
Chemin de la Loubantière
On trouve régulièrement s'élevant sur la souche un mitron. Il s'agit d'un appareil de terre cuite très intéressant en ce qu'il crée un " effet Venturi ". Il améliore considérablement le tirage par un effet physique naturel d'accélération du passage de la fumée contrainte de suivre un trajet en forme de goulot plus étroit que l'endroit d'où il provient..
Il existe de multiples variantes de type tronconique pur mais de hauteurs diverses, ajourés ou non, avec chapeau ou non…- et en nombre différent sur une même souche de cheminée.
Rue de l'Ormeau.
Sortie de toit rectangulaire surmontée d'un unique mitron de terre cuite.
Rue de Lessart.
Variante sur une souche de section carrée en briques.
Rue de Lessart.
Et un, et deux…..
Rue de l'Ormeau
…et trois !!!
Rue de l'Orbras..
Sept mitrons de tailles différentes en alternance sur un couronnement en béton.
♦️Les mitres et le vent.
Pour ceux qui ont des problèmes de refoulement à cause du vent, il existe des mitres conçues pour ce genre de situation. Leur rôle est d'empêcher le vent d'entrer dans la cheminée ou même de l'utiliser pour favoriser le tirage. Certaines mitres ont des rebords ou anneaux inclinés qui dévient le vent vers le haut, et d'autres seront mobiles ou pivotantes et s'ajusteront selon la direction du vent. Dans les deux cas, une zone de basse pression sera créée au-dessus de la cheminée ce qui favorisera le tirage.
Chemin de la Loubantière.
Cette ancienne souche avec mitron comporte en plus un chapeau anti-courant descendant. Le capot ouvert tourne avec la direction du vent. Il a toujours le dos tourné vers le vent.Le côté ouvert du capot n'a jamais le vent frappant, il n'est jamais un courant descendant.
Cbapeau classique sur mitron ; chapeau moderne.
Route de la Vallée.
Par leurs fonctions de régulation et d'anti-refoulement les extracteurs statiques et éoliens se multiplient sur les cheminées. Ce sont des éléments préfabriqués qui sont installés au couronnement de la souche ; il s'agit ici d'ensembles modernes faisant suite au boisseau de terre cuite. L'extracteur statique est percé latéralement.
L'aspirateur de fumée optimise la circulation des vents au débouché des fumées et est particulièrement indiqué pour protéger les conduits de cheminées des entrées d'eau. Il utilise l'énergie du vent pour mieux réguler la dépression du conduit de fumée.
Les résultats positifs quant au tirage et à la protection contre les intempéries de ces aspirateurs ont pour contrepartie un manque certain d'esthétique...
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