Images de la femme romane
entre modèle et contre-modèle
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* Ancienne abbatiale de Saint-Jouin-de-Marnes, Deux-Sèvres.
La Vierge médiatrice.
** Eglise Saint-Pierre de Parthenay-le-Vieux, Deux-Sèvres
Serpents tétant une femme luxurieuse.
Les femmes des XI-XII e siècles sont fort mal connues d'autant plus que généralement que ce ne sont pas elles qui écrivent. Elles ne nous sont révélées que par les écrits d'hommes, le plus souvent des clercs célibataires pour lesquels elles sont la source de tous les dangers.
En fait c'est l'ambivalence qui caractérise l'image de la femme. D'un côté, la figure féminine incarne le Mal, la luxure et la tentation ; elle paraît quasi-démoniaque sous les traits de l'allégorie antique de la sirène ; jongleresse et séductrice l'homme doit chercher à l'éviter ; sous les traits de Dalila ou de Salomé elle peut être suspecte.
D'un autre côté, à l'opposé, la figure féminine incarne le Bien. C'est la figure d'exception de Marie mère de Jésus et médiatrice des hommes auprès de son divin Fils qui s'oppose radicalement à Eve la pécheresse, interprétation provenant d'une approche sexuée du péché originel ; c'est dans un autre registre Judith qui combat Holopherne ; ce sont aussi toutes les saintes, modèles de foi et de conduite présentes au cœur des Ecritures et de l'Eglise.
Enfin, l’image romane est souvent moralisatrice. Afin d’illustrer la lutte du Bien et du Mal, l’artiste personnifie les valeurs chrétiennes qui doivent guider le fidèle et lui montrer les dangers dont ils doivent se prémunir.
Ainsi ce sont les incarnations féminines moralisatrices de la parabole des Vierges sages et des Vierges folles ou des illustrations guerrières du combat des Vertus et des Vices. Par ces personnifications des valeurs chrétiennes commanditaires et artistes entendent guider les fidèles et leur éviter les maux qui les guettent.
En d'autres termes, l'image de la femme romane oscille entre modèle et contre-modèle.
☞Images de contre-modèles.
Dans les textes des XI et XIIe siècles qui nous sont parvenus, la femme est souvent associée au mal. Elle est fille d'Ève, à qui les clercs attribuent la principale responsabilité de la faute originelle, scène souvent représentée à l'époque romane. D'autres personnages féminins de la Bible viennent renforcer cette image négative.
Ces images de femmes présentant une connotation négative peuvent être considérées comme des contre-exemples.
✏︎Eve
Une certaine lecture de la Genèse a fait d'Ève la principale responsable de la Faute et donc de l'expulsion du jardin d'Eden. Les représentations classiques d'Adam et Eve sont nombreuses en Poitou et Pays charentais comme dans toutes les provinces romanes.
Archivolte de la façade de l'église de Benet, Vendée.
Version allégorique de la naissance d'Eve sortant de la côte d'Adam. Dieu créateur est représenté sous les traits d'un personnage imberbe, portant une couronne et habillé d'un vêtement presque féminin recouvert d'un manteau. Il crée Eve, la Femme, dont la tête semble sortir du côté d'Adam, l'Homme, qui conserve les yeux mi-clos.
Eglise de Benet, Vendée
Sur le claveau suivant de la création d' Eve, celle-ci cache son sexe d'un geste pudique imité par Adam.
Eglise Sainte-Radegonde, Poitiers, Vienne.
La Tentation d'Adam et Eve. L'arbre est réduit à une palme stylisée.
Eglise Notre-Dame, Chauvigny, Vienne.
La honte après le péché. Malgré la présence du serpent Adam et Eve semblent avoir déjà chuté puisqu'ils sont conscients de leur nudité ( qu'ils ne soupçonnaient pas dans leur état d'innocence ).
Eglise de Saint-Mandé-la-Brédoire, Charente-Maritime.
Ici le serpent est tourné vers Adam. Faut-il voir dans la présence d'un musicien aux côtés d'Eve et d'Adam debout de part et d'autre de l'arbre de la connaissance un détournement de la musique sacrée à des fins profanes ; en bref, une sorte d'assimilation de la musique profane au fruit défendu ?
✏︎Autres femmes à connotation négative
Dans l'art roman Salomé et Dalila peuvent être perçues comme des figures évocatrices du Mal.
** Hérodiade et Salomé
Salomé participe à un festin qui lui donne l'occasion d'exercer ses talents en exécutant une danse aux allures sans doute provocantes et enjôleuses. Mais le plaisir envoûtant du corps provoque la lubricité des convives.
En récompense de sa danse Hérode promet à Salomé de réaliser ses vœux. C'est ainsi que Jean-Baptiste fut décapité à la demande d'Hérodiade, mère de la jeune fille,
Eglise Sainte-Radegonde, Talmont-sur-Gironde, Charente-Maritime.
L'état dégradé des reliefs ne rend pas la lecture aisée ; on perçoit cependant encore les tenues vestimentaires.
** Dalila
Dans la Bible Dalida coupe les cheveux de Samson. Au XII e siècle avant J.C., le peuple d’Israël était dirigé par des Juges, dont Samson de 1150 à 1130. Consacré à Dieu lors de sa naissance ses cheveux ne devaient jamais être coupés.
Sa vie est jalonnée de combats avec les Philistins qui dominaient à l’époque le peuple d’Israël. Périodiquement, Samson les défaisait. Sa force était devenue légendaire comme son combat souvent représenté contre un lion. Désireux de connaître l’origine de cette force les Philistins chargèrent une femme, Dalila, de le séduire et de lui arracher son secret.
" Comme elle était chaque jour à le tourmenter et à l'importuner par ses instances …il lui dit : le rasoir n'a pas passé sur ma tête, parce que je suis consacré à Dieu dès le ventre de ma mère. Si j'étais rasé, ma force m'abandonnerait, je deviendrais faible, et je serais comme tout autre homme".
Dalila trahit Samson qui lui a révélé que sa force divine était liée à sa chevelure, signe de sa consécration à Dieu. Les Philistins purent le saisir et le lièrent avec des chaines d'airain. ( Juges 16.6-21 )
Chapiteau d'un pilier nord-ouest du transept, église Saint-Pierre de la Tour, Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime.
Sous une inscription mentionnant le nom de Samson deux femmes guimpées s'affairent autour de Samson allongé. A gauche une servante coupe les cheveux de Samson allongé pendant que Dalida lui attache les mains.
Façade de l'église Notre-Dame, Vouvant, Vendée.
Des draperies conventionnelles revêtent une figure fameuse de l'Ancien Testament. Le vêtement porté est bien du style contemporain de l'exécution des sculptures.
Chapiteau de l'arcature inférieur droit de la façade de l'église Saint-Nicolas, Civray, Vienne.
Dans la même scène Dalida portant un voile ; les ciseaux demeurent bien visibles malgré l'érosion notable de l'ensemble de la composition.
✏︎La femme tentatrice/corruptrice
Malgré la libre créativité des tailleurs de pierre la norme édictée par l'Eglise, source majeure des valeurs morales, exerça une franche influence sur le haut degré de méfiance qui entourait les femmes à l'époque romane.
La séduction féminine semblait représenter quelque chose de dangereux selon l'éthique dominante de l'époque révélée par la littérature du temps. Or, les textes médiévaux sont pour une grande part l’œuvre de religieux écrivant pour d’autres clercs formés pour avoir une défiance envers la gent féminine, considérée comme tentatrice, corruptrice… La luxure étant un péché inséparable de la femme dans la pensée chrétienne du temps !!!
** La luxure
La luxure était considérée, au Moyen-Âge, comme le vice féminin par excellence. Aussi ne faut-il pas s'étonner qu'une des images les plus courantes de la femme dans la sculpture romane soit le châtiment de la luxure.
Dans la religion chrétienne la femme porte le poids de ses antécédents : Eve a succombé au mal et a entraîné l'homme dans sa chute ; la tentation est liée à la condition féminine les hommes doivent s'en méfier.
L'image de la femme maléfique associée à la tentation et aux plaisirs futiles tendent à faire oublier la part spirituelle de l'être humain. Les commanditaires et les sculpteurs ont transposé dans la pierre l'allégorie de la luxure à travers l'image de la femme tétée par des serpents ou des crapauds.
Façade de l'ancienne abbatiale de Saint-Jouin-de-Marnes, Deux-Sèvres.
Visage d'une femme aux seins tétés par des serpents ayant péché par luxure.
Chapelle dite octogone de la Maison-Dieu de Montmorillon, Vienne.
Dans la cour de l'ancienne Maison-Dieu s'élève un curieux édifice octogonal dont la partie inférieure souterraine est un ossuaire remonte à la fin du XIIe siècle. La partie haute est une chapelle funéraire.
On observe notamment une femme nue allaitant des serpents ; cette sculpture peut être vue comme une illustration de la luxure.
Eglise de Vouvant, Vendée.
Une sirène à double queue à l'abondante chevelure. Aux angles du chapiteau deux personnages lui tiennent la queue pendant que des serpents viennent lui téter la poitrine.
Eglise Saint-Léger-de-Montbrillais, Vienne
A droite de la porte, un chapiteau évoque le vice : une femme allaite deux crapauds pendant qu'elle est surveillée par un serpent.
Eglise Saint-Hilaire de Melle, Deux-Sèvres.
Ici la femme est tétée par d'autres êtres fantastiques : ici par deux chimères ailées.
Eglise de Foussais-Payré, Vendée.
Une représentation différente de la luxure : un couple à l'angle droit de la corbeille se livre à des attouchements sexuels ; à gauche un homme d'église brandit d'une main une croix et de l'autre un attribut du pouvoir.
Abbaye de Nieul-sur-l'Autise, Vendée
Une femme, étendue sur un lit, semble attirer par son vêtement un homme une main sur un feuillage.
** Des créatures hybrides : les sirènes.
Le Moyen Âge a soumis la sirène à une vigoureuse moralisation et à des interprétations qui lui ont attribué une coloration franchement négative.
L'hybridation des sirènes associant une forme humaine ( en haut ) et une forme animale ( en bas ) peut être sous-tendue par l'opposition du Haut et du Bas, opposition de la part spirituelle de l'homme et de sa part plus charnelle ?
Dans cette perspective la figure de la sirène évoquerait la dramatique erreur de l'homme charnel oublieux de sa dimension spirituelle.
L' image de la sirène devait rappeler la nécessité du combat spirituel que le fidèle devait mener contre la tentation et les forces adverses. Le péril encouru par l'homme roman - invité à pratiquer la vertu - est naturellement d'ordre spirituel : la figure hybride est l'image physique de ce démon intérieur qu'est le vice.
L'image des créatures hybrides a une connotation négative. Issues de deux êtres différents, elles ne correspondent pas à une création divine c'est-à-dire à l'image que Dieu a faite de l'homme et de la nature et donnent naissance à un monstre suscitant la méfiance.
Contrairement aux démons et parfois à la femme luxurieuse, les artistes n'ont nullement cherché à enlaidir la sirène pour lui attribuer un caractère maléfique. Sa beauté extérieure est considérée comme son arme, elle ne trahit nullement sa laideur intérieure.
Portail nord de Notre-Dame de Vouvant, Vendée.
Une scène se se peigne en se regardant dans un miroir accompagnée d' une sirène tenant une quenouille : on est en présence d'une figuration emblématique de la femme en associant deux facettes de la féminité médiévale : séduction et travail au sein du ménage.
Saint-Hilaire de Foussais-Payré, Vendée.
La figure pisciforme aux grands yeux ouverts ne peut qu'interpeller le fidèle lors de son entrée dans l'église.
Collégiale de Chauvigny ( Vienne ).
- Charmante sirène pisciforme aux petits seins haut placés tenant des oiseaux par le col.
Eglise Saint-Pierre de Parthenay-le-Vieux, Deux-Sèvres.
Type de sirène-poisson, moitié femme, moitié poisson à la chevelure ordonnée en nattes, évoquant du point de vue chrétien courant les tentations nées de la chair et, aussi plus généralement, l'attrait dangereux des illusions.
Eglise abbatiale Saint-Gilles de Puypéroux, Aignes-et-Puypéroux, Charente.
Sirène tient un poisson d'une main pendant que son autre main est dans la gueule d'un animal.
Eglise de Ventouse, Charente.
Entre les modillons prennent place des métopes aux sujets variés: un petit personnage féminin dans une niche, une sirène poisson tenant ses cheveux.
Ancienne abbatiale. d'Airvault, Deux-Sèvres.
L'originalité de cette double représentation de sirènes tient à ce que l'imagier a figuré deux âges de la vie. La sirène de gauche a les trais jeunes et de petits seins bien ronds alors que celle de droite a la poitrine tombante d'une femme d'un âge plus avancé. Les deux possèdent des queues qui se terminent par un feuillage.
Eglise de Colombiers, Vienne.
Pour exprimer la lubricité les monstres pisciformes sont souvent représentés avec un appendice caudal double, similaire à deux jambes revêtues d'écailles, qu'elles tiennent largement écartées en s'aidant des deux mains, en des poses lascives. En tenant dans chaque main une de leurs queues les sirènes bifides offrent au regard leur intimité. On a pu voir dans ces figurations de sirènes à double queue une volonté de montrer ou à tout le moins d'évoquer un exhibitionnisme féminin.
Eglise d'Empuré, Charente.
Sirène à double-queue tenant sa chevelure qui cherche à séduire les hommes et à les mener à leur perte.
Eglise Saint-Nicolas de Maillezais, Vendée.
Une fois de plus cette sirène à la longue chevelure à quatre nattes s'offre les deux bras ouverts en tenant ses deux queues écartées.
Elle est surmontée d'oiseaux dans des rinceaux dont on peut rappeler l'importance dans l'imagerie romane.
Eglise Saint-Eutrope, Saintes, Charente-Maritime.
Sirène bi-caudale dans un décor saintongeais.
☞Images de représentations féminines modèles
À l'opposé d’Ève, commanditaires et artistes mettent en avant Marie, jeune fille vierge choisie par Dieu pour être la mère de Jésus. L'Église favorise son culte à l'époque romane. Pour montrer sa place particulière dans la hiérarchie céleste, une image est créée, celle de la Vierge en Majesté.
Marie apparaît également dans les épisodes de la vie de Jésus, notamment ceux de l'Enfance. Les représentations de ces derniers se multiplient aux XIe et XIIe siècles.
À côté de Marie, les saintes, souvent vierges et martyres, sont invoquées pour leur vie exemplaire. La virginité est d'ailleurs, selon les clercs, l'état idéal pour les femmes, et les saintes sont des modèles à imiter.
✏︎ Marie, modèle idéal et parfait mais hors de portée
La Vierge est l'exemple par excellence donné à toutes les femmes par l'Eglise médiévale ; la nouvelle Eve en mettant au monde son Fils a sauvé l'humanité tombée jadis par la faute d'une femme et surtout elle est la médiatrice la plus efficace auprès du Tout-Puissant.
Les mêmes lettres peuvent indiquer ce que la femme représente de plus pur et de plus impur. Les trois lettres Eva
symbolisent en effet la perte de l'humanité ; leur inversion l'Ave de l'ange évoque l'image de la mère du Rédempteur.
( J. Verdon,1999-2015, p. 8 )
Ancienne abbatiale de Saint-Jouin-de-Marnes, Deux-Sèvres.
Le retour du Christ. Deux anges sonnant de la trompette encadrent le Maître du Jugement dernier. La Vierge en position d'intercession auprès de son fils en faveur d'hommes et de femmes après leur pérégrination terrestre.
Ancienne abbatiale de Saint-Jouin-de-Marnes, Deux-Sèvres.
La Vierge médiatrice portant l'habit des grandes dames du XIIe siècle. A droite deux pèlerins à genoux demandent l'intercession de Marie.
A gauche deux autres pèlerins debout tenant leur bâton de marche : l' homme porte un vêtement court laissant voir les genoux, la femme est longuement vêtue.
Eglise de Lesterps, Charente.
A côté des chapiteaux déposés, on peut voir trois médaillons du XIe siècle. Sur le premier, figure une Vierge en Majesté. Marie est assise sur un trône et porte l'Enfant sur son genou gauche. Elle est vêtue d'une longue robe et tient dans sa main droite ce qui pourrait être un sceptre. Deux anges soutiennent une couronne au-dessus de sa tête et agitent des encensoirs. L'Enfant Jésus bénit de la main droite (deux doigts dressés, le pouce écarté) et tient le Livre dans la main gauche.
Eglise Notre-Dame de Lignières -Sonneville, Charente.
Sur la façade, de structure romane, on peut voir notamment des plaques en haut-relief qui ont appartenu à un même tympan. La Vierge Marie y protège l'Enfant installé sur ses genoux. De l'autre côté saint Joseph se tient entre une servante et un ange.
✏︎Les saintes
Le culte des saints se développe au cours du Xe siècle sous l’action des bénédictins et des clunisiens.
* Les vierges martyres qui ont su préserver leur chasteté au prix des pires supplices offrent des modèles de patience
modèles de foi et de conduite mais aussi de beauté et d'élégance
Eglise de Corme-Royal, Charente-Maritime.
Une voussure comporte toute une série de saints dont sainte Catherine d'Alexandrie tenant la roue de son supplice. Sainte Catherine fille de roi et lettrée qui réfute les arguments de philosophes païens et refuse d'épouser l'empereur Maximien en lui répondant qu'elle est fiancée au Christ.
Sainte Colombe. Façade de l'église de Sainte-Colombe, Charente.
Une statue colonne présente sainte Colombe en position d'orante. Elle est vêtue d'une longue robe ornée de broderies en bas et dont le modelé laisse deviner les jambes. Au-dessus de l'auréole ornée, le nom est gravé: S(AN)C(T)E COLV(M)BE.
* Plus proches Marie-Madeleine la pécheresse repentie offre un exemple plus accessible aux femmes que ces vierges martyres qui ont su préserver leur chasteté au prix des pires supplices.
Eglise de Foussais-Payré, Vendée.
Une scène de repas a lieu entre deux colonnes torsadées coiffées de chapiteaux sculptés supportant une structure architecturale formant trois dais en plein cintre sous lesquels ont pris place les convives. Le Christ en gloire avance la main vers un personnage situé à sa gauche ( Simon ) et pointe l'autre main sur Marie-Madeleine ; celle-ci essuie les pieds du Seigneur avec ses cheveux. Pour notre objet observons le cadre beaucoup plus cossu que dans l'évocation précédente et la rareté des mets déposés, en revanche, sur une jolie nappe.
Eglise de Foussais-Payré, Vendée.
Le matin de Pâques, le Christ apparaît à Marie-Madeleine ; il est séparé d'elle par par le tronc d'un arbre symbolisant le jardin du sépulcre.
* Autres figures de saintes
Eglise Sainte-Radegonde, Poitiers,Vienne.
Un des deux reliefs du porche. remploi de l’ancienne façade, montre une femme assise qui pourrait représenter Sainte Radegonde. Elle est couronnée et nimbée, voilée et revêtue d'une robe avec de beaux drapés.
© Ville de Poitiers. Musées de Poitiers, C. Vignaud.
Dalle représentant Hilaire bénissant sainte Triaise, une de ses disciples supposées ; au Moyen-Âge, une église dédiée à sainte Triaise s'élevait au sud du monastère Saint-Hilaire. La sculpture est datée de la première moitié du XIIe siècle.
Saint Hilaire, tête nue, nimbé, tenant sa crosse, se tourne pour bénir sa disciple, sainte Triaise (une des premières recluses de Gaule qui vécut à quelques mètres de saint Hilaire, rue Sainte Triaise, aujourd'hui rue Jules Ferry; cf l'inscription sur ardoise: HIC RELIGIA SIAE TROIECIAE SITAE SUNT), également nimbée, représentée dans une attitude pleine d'humilité. Au-dessus de la sainte: SA TROECIA; à gauche de saint Hilaire on peut lire verticalement
Portail de l'église de Chadenac, Charente-Maritime.
Figures de saintes. Montage.
✏︎Des figures féminines héroïques à l'exemple de Judith
Judith est l'héroïne juive par excellence image de la veuve chaste et pure et qui après avoir accompli un exploit incomparable retourne à l'anonymat.
Eglise Saint-André, façade, Ruffec, Charente.
Au tympan de l'arcade aveugle latérale nord, on peut voir une sculpture en demi-bosse, assez détériorée, représentant un personnage barbu couché sur un lit, en partie couvert par une draperie, la tête appuyée sur la main droite, la main gauche et une jambe pendante en dehors du lit. A ses côtés se tient un personnage debout supportant une draperie sur son bras étendu.
Parmi les multiples hypothèses interprétatives qui ont été avancées il semble que soit généralement privilégiée l'histoire de Judith et d'Halopherne. Judith tente de sauver sa ville assiégée par Halopherne. Au cours d'un banquet qu'elle organise en l' honneur de l'assiégeant elle l'enivre et le décapite. L'armée ennemie est démoralisée à la vue de son chef assassiné... La ville est sauvée.
Toutefois une autre interprétation est possible. Ainsi la professeure Marie-Thérèse Camus ( Sculpture romane du Poitou) suggère que c'est "la parabole de Lazare et du mauvais riche (Lc, 16, 19-30) qui a été retenue par le sculpteur de Saint-André de Ruffec. Il n'en reste qu'un épisode, celui des derniers instants du Riche, se tordant de douleur sur son lit d'agonie où des serpents s'enroulent aux montants. Au-dessus de lui, une créature ailée (une aile a presque disparu) se penche. Est-ce le diable prêt à emporter son âme en enfer? La scène, qui occupe un tympan d'une baie aveugle de la façade, aurait dû être accompagnée de la mort de Lazare et de son accueil au ciel, sur une pièce symétrique. Celle-ci fut probablement perdue au XVIIe siècle, lors de remaniements de l'église."
☞Des programmes iconographiques dogmatiques et moralisateurs
Les réalisations artistiques comme la littérature des temps médiévaux sont fortement imprégnées d’affirmation de foi. L’expression extérieure des personnages représentés manifeste les mouvements et débats intérieurs des personnages. Le combat des Vertus et des Vices et la parabole des Vierges sages et folles sont des éléments constitutifs de la volonté d’exhortation morale des populations médiévales à vivre dans une perspective eschatologique.
Dans les dernières paroles concernant la fin du monde on peut observer que le temps du verbe employé concernant le royaume des cieux est un futur ; ce passage est une perspective eschatologique.
✏︎Vierges sages et vierges folles
Des façades richement ornées de certaines églises romanes du Poitou et de la Saintonge arborent de belles jeunes femmes parmi les anges confluant vers l’Agneau.
Certaines se tiennent droites et semblent heureuses alors que d'autres ont les traits marqués par la douleur.
Si le regard s'attarde, on perçoit un personnage dans une architecture qui sépare les deux groupes de femmes dont l’un possède un visage heureux alors que le visage de l’autre est empreint de tristesse.
Il s'agit incontestablement de la parabole des dix vierges : alors que toutes frappent à la porte du Paradis, les sensées sont accueillies par Jésus les bras ouverts - l’Epoux de la parabole-, alors que les imprévoyantes trouvent la porte close.
Il ne suffit pas d’être invité au festin comme l’ont été les dix jeunes filles pour entrer automatiquement dans la salle des noces. Il est nécessaire de s’y préparer et de se tenir prêt.
Les Vierges folles ne s’étaient pas assez préparées à cette venue de l’époux, et elles se sont laissé prendre au dépourvu. Elles n’ont pas fourni les efforts nécessaires pour veiller ; autrement dit, parce que leur foi était fade, superficielle, elles n’ont pas su mettre à profit le temps qui leur était donné pour accueillir l’Époux. Insouciantes, vivant dans la légèreté, elles ont entendu la Parole mais n’ont pas mises en pratique toutes ses exigences, prétextant sans doute toutes sortes d’excuses pour dire que les commandements et enseignements donnés dans les Ecritures peuvent attendre.
Aujourd’hui comme hier les lampes des hommes vacillent sous les courants du siècle et parmi les multiples sollicitations du monde ; beaucoup des « ayant-peu-de-foi » que nous sommes préfèrent la voie large de leur liberté sans frein plutôt que de suivre en plein vent le chemin étroit des exigences de l’Evangile.
La parabole des dix vierges entend exhorter à vivre pleinement l’aujourd’hui de la vie du croyant, et pour cela à remplir les lampes d’huile, de cette huile qu’est l’amour de Dieu et des autres, la charité, l’esprit de service.
Dans une société médiévale normalisée sur l’ordre chrétien le geste des Vierges sages tenant leur lampe dressée (celle-là même qu’on suspendait au-dessus des autels ) exprime l’intériorité, la fidélité et la foi. Sages elles sont - sensées - parce qu’elles ont été prévoyantes et ont choisi de suivre le chemin resserré des Ecritures.
Eglise Saint-Pierre-de-la-Tour , Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime.
Geste : la Vierge sensée tient sa lampe droite signe qu’elle est allumée.
Inversement le geste des Vierges folles tenant leur lampe renversée montre qu’elles ont gaspillé le précieux liquide.
Parce qu’elles n’ont pas été assez vigilantes elles ne sont pas prêtes pour le retour à tout moment du Christ.
Eglise Saint-Pierre-de-la-Tour , Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime.
La parabole des dix vierges est ainsi tout à la fois une invitation à valoriser certains comportements en vue de l’accès à la Jérusalem céleste et à censurer les comportements qui en détournent.
Eglise de Corme Royal, Charente-Maritime.
Les vierges sages tiennent leur lampe allumée bien droite grâce à une réserve d'huile. Elles symbolisent les élus.
Eglise de Corme Royal, Charente-Maritime.
Devant la porte fermée cette Vierge folle se tient la tête symbolisant par là son accablement.
Les vierges folles tiennent leur lampe renversée : elles n'ont pas veillé. Elles symbolisent les réprouvés.
Eglise Saint-Nicolas, Civray, Vienne.
Vierges sages : la lampe est dressée.
Eglise Saint-Nicolas, Civray, Vienne.
Plan rapproché sur les Vierges folles.
✏︎Une mise en scène de la foi médiévale : le combat des Vertus et des Vices.
Curieuse lutte de ces guerrières Vertus généralement considérées comme féminines bien que leurs rondeurs ne soient guère esquissées. C'est le voile sous leur casque qui fait pencher souvent en faveur d'une incarnation féminine.
Eglise Saint-Nicolas, Civray, Vienne.
Les hommes doivent veiller leur vie durant pour atteindre le monde d'en haut. Les Vertus transpercent de leur lance les Vices représentés par de petites créatures démoniaques.
Eglise Saint-Pierre-de-la-Tour, Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime.
Les Vertus foulent aux pieds les Vices. Ici, par exemple, évocation du combat de Luxeria/Castitas.
Ce couple ennemi se détache admirablement sur le fond de la voussure. Il en sera de même pour l’ensemble des sujets. On oublie le support pour ne voir que les figures.
Eglise Saint-Pierre-de-la-Tour, Aulnay-de-Saintonge, Charente-Maritime.
LARGITAS / AVARICIA(qui porte une bourse qui l’étrangle ), FIDES / IDOLATRIA
Pont-L'Abbé d'Arnoult, Charente-Maritime.
Malgré son heaume et son couvre-nuque cette belle guerrière, à la tête inclinée, possède des hanches élégantes.
Les hommes peuvent cependant résister au Mal ainsi qu'en témoignent une nouvelle fois dans la pierre les Vertus dominant les Vices qu'elles écrasent ou transpercent de leur lance.
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