Des femmes de l'Ancien Testament
dans la sculpture romane
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Différents écrits bibliques ont inspiré commanditaires et artistes médiévaux. Dans ces œuvres sculptées les personnages féminins portent le vêtement des femmes des XI-XIIe siècles.
Agar renvoyée par Abraham
Genèse 16-21. Alors que Dieu avait promis une descendance plus nombreuse que les étoiles du Ciel à Abraham le premier enfant de cette lignée se faisait attendre ! Et Abraham et sa femme avançaient en âge. Sara, l’épouse du premier des croyants, poussa son mari dans les bras de la servante Agar. Celle-ci donna un fils à Abraham : Ismaël.
Cette naissance, pourtant orchestrée par Sara, provoqua en elle une jalousie tenace qui menaça la vie de la servante et celle de son fils. Ismaël fut contraint de fuir une première fois avec sa mère au désert. Mais, l’ange du Seigneur ordonna à Agar et à son fils de revenir auprès d’Abraham.
Quelques temps plus tard Sara et Abraham eurent un enfant : Isaac.
Ismaël et Isaac sont élevés ensemble. Pour faire d’Isaac, le seul et unique héritier d’Abraham, Sara chassa définitivement Ismaël et sa mère au désert. Abraham est attristé par la demande de sa femme, Ismaël étant son fils. Dieu parle à Abraham et lui demande de respecter la demande de Sarah. Agar et Ismaël sont chassés par Abraham.
L’unique fils légitime de la promesse de l’Alliance selon la Bible est Isaac, pourtant Ismaël, fut lui aussi dépositaire d’une promesse de descendance.
Chapiteau sous le tympan, Cathédrale Saint-Lazare, Autun, Saône-et-Loire.
Abraham renvoie Agar et Ismaël.
Rébecca et la bénédiction de Jacob
Genèse 27, 1-41 . Rébecca monte tout un stratagème pour que Jacob reçoive la bénédiction paternelle destinée à Ésaü. Agissant dans l’ombre, elle suggère à Jacob le moyen de tromper son père en usurpant l’identité de son frère.
Cloître de la cathédrale de Gerone, Catalogne.
A gauche de la composition Jacob reçoit la bénédiction de son père Abraham.
La scène de droite relate le retour d'Esaü de la chasse avec flèches et gibier.
Cloître de la cathédrale de Gerone, Catalogne.
Détail : Isaac aveugle palpe de sa main gauche la tête de Jacob, un genou en terre ; derrière sa mère Rébecca pousse son fils pour qu'il reçoive la bénédiction.
Eglise de Saint-Révérien, Nièvre.
Jacob reçoit la bénédiction d'Isaac aveugle pendant que sa mère Rébecca guette le retour d'Esau portant l'animal qu'il vient d'abattre.
Rachel et Jacob
Genèse 29 30
" 01 Jacob se remit en marche et partit pour le pays des fils de l’Orient.
02 Tout à coup, il aperçut un puits dans la campagne et, près de ce puits, trois troupeaux de petit bétail ; les bêtes étaient couchées car c’est à ce puits qu’on abreuvait les troupeaux. Sur l’orifice du puits était posée une grande pierre.
04 Jacob dit aux gens : « Mes frères, d’où êtes-vous ? » Ils répondirent : « Nous sommes de Harane. »
05 Il leur dit : « Connaissez-vous Laban, le fils de Nahor ? » Ils répondirent : « Nous le connaissons. »
06 Il leur demanda : « Va-t-il bien ? » Et ils répondirent : « Il va très bien. Et voici sa fille Rachel qui arrive avec le petit bétail ! »
10 Dès que Jacob vit Rachel, fille de Laban, le frère de sa mère, et le petit bétail de Laban, il s’avança, roula la pierre posée sur l’orifice du puits et abreuva le petit bétail de Laban.
11 Alors Jacob embrassa Rachel, et il éclata en sanglots.
12 Jacob apprit à Rachel qu’il était un parent de son père et le fils de Rébecca. Elle courut en informer son père.
13 Dès que Laban entendit parler de Jacob, le fils de sa sœur, il courut à sa rencontre, l’étreignit, l’embrassa et l’amena chez lui. Jacob raconta toute l’affaire à Laban
14 et celui-ci lui dit : « Tu es vraiment mes os et ma chair ! » Jacob habita chez lui pendant tout un mois.
15 Laban dit à Jacob : « Devrais-tu me servir gratuitement parce que nous sommes parents ? Indique-moi donc ton salaire. »
16 Or Laban avait deux filles : l’aînée s’appelait Léa et la cadette, Rachel.
17 Les yeux de Léa étaient délicats, tandis que Rachel avait belle allure et beau visage.
18 Et Jacob se mit à aimer Rachel. Il dit : « Je te servirai sept ans pour Rachel, ta fille cadette. »
19 Laban répondit : « Je préfère te la donner à toi plutôt qu’à un autre ; reste donc chez moi. »
20 Jacob travailla sept ans pour Rachel – sept ans qui lui semblèrent quelques jours, tellement il l’aimait.
21 Jacob dit alors à Laban : « Donne-moi ma femme car les jours que je te devais sont accomplis et je veux m’unir à elle. »
22 Laban rassembla tous les gens de l’endroit et fit un festin.
23 Le soir venu, il prit sa fille Léa, l’amena à Jacob et Jacob s’unit à elle.
24 Laban mit au service de sa fille Léa une de ses servantes, nommée Zilpa.
25 Au matin, voilà que c’était Léa et non Rachel ! Et Jacob dit à Laban : « Que m’as-tu fait là ? N’est-ce pas pour Rachel que je t’ai servi ? Pourquoi m’as-tu trompé ? »
26 Laban répondit : « Cela ne se fait pas chez nous de marier la cadette avant l’aînée !
27 Achève la semaine de noces de celle-ci et nous te donnerons aussi celle-là pour le service que tu feras encore chez nous pendant sept autres années. »
28 Jacob agit ainsi : la semaine achevée, Laban lui donna sa fille Rachel pour qu’elle devienne sa femme.
29 Laban mit au service de sa fille Rachel une de ses servantes nommée Bilha.
30 Jacob s’unit aussi à Rachel et il aimait Rachel plus que Léa. Il servit donc Laban pendant sept autres années encore…."
Cloître de la cathédrale de Gerone, Catalogne.
Sur une face du pilier Rachel apprend la rencontre de Jacob à son père. Laban la reçoit assis.
Jacob est reconnu par son oncle Laban qui l'embrasse.
Laban prend le bras de Jacob et tous deux se mettent en route.
Cloître de la cathédrale de Gerone, Catalogne.
La rencontre affectueuse de Jacob et de Rachel.
La femme de Putiphar et Joseph
Genèse 41 : 37-43 met en scène Joseph fils de Jacob vendu comme esclave en Egypte, où il a pour maître un officier de Pharaon nommé Putiphar. .Joseph se voit béni par Dieu comme ses pères avant lui, et monte rapidement dans la hiérarchie domestique, mais il suscite le désir de la femme de son maître. Joseph repousse les avances. de la séductrice. Elle l'accuse alors d'avoir essayé de la violer. Putiphar, qui la croit sur parole, fait incarcérer Joseph. Celui-ci restera en prison pendant deux ans, jusqu'à ce que Pharaon reconnaisse sa valeur et lui donne le commandement de l'Égypte .
« Un jour qu’il était entré dans la maison pour faire son ouvrage, et qu’il n’y avait là aucun des gens de la maison, elle le saisit par son vêtement, en disant : Couche avec moi ! Il lui laissa son vêtement dans la main, et s’enfuit au-dehors. Lorsqu’elle vit qu’il lui avait laissé son vêtement dans la main, et qu’il s’était enfui dehors, elle appela les gens de sa maison, et leur dit : Voyez, il nous a amené un Hébreu pour se jouer de nous. Cet homme est venu vers moi pour coucher avec moi ; mais j’ai crié à haute voix. Et quand il a entendu que j’élevais la voix et que je criais, il a laissé son vêtement à côté de moi et s’est enfui dehors. Et elle posa le vêtement de Joseph à côté d’elle, jusqu’à ce que son maître rentrât à la maison. Alors elle lui parla ainsi : L’esclave hébreu que tu nous as amené est venu vers moi pour se jouer de moi. Et comme j’ai élevé la voix et que j’ai crié, il a laissé son vêtement à côté de moi et s’est enfui dehors. Après avoir entendu les paroles de sa femme, qui lui disait : Voilà ce que m’a fait ton esclave ! le maître de Joseph fut enflammé de colère. Il prit Joseph, et le mit dans la prison, dans le lieu où les prisonniers du roi étaient enfermés : il fut là, en prison. »
A l'époque romane on a pu dire que l'épouse de Putiphar devient emblématique de la dangerosité des femmes insatiables sexuellement. Saint Bernard : "La femme n'est plus la simple objet du désir, elle désire aussi ".
Chapiteau du narthex de la basilique de Vézelay, Yonne.
Fresques de la nef de Saint-Savin, Vienne.
Dalila trahit Samson
Juges 16, 4-19. À cette époque de l’histoire d’Israël, certaines tribus sont sous la domination des Philistins.
Samson est le fils de Manoach, de la tribu de Dan. La femme de Manoach, jusqu’alors stérile, apprend de l’ange de Dieu qu’elle enfantera un fils qui délivrera Israël des Philistins. Cet enfant devra être consacré à Dieu, dès sa naissance. Les lois relatives au naziréat impliquent notamment que ni les cheveux ni la barbe ne soient coupés en signe de préférence et de consécration pour Dieu.
Samson est présenté comme un héros d’une force herculéenne, force qu’il doit à sa longue chevelure, s'attacha à une femme nommée Dalila. Celle-ci fut sollicitée par les Philistins, ennemis d'Israël, pour qu’elle les aide à découvrir le secret de la force de Samson. Elle séduit alors Samson et apprend ainsi que sa force lui vient de sa chevelure de nazir, car il est consacré à Dieu. Dalila va le trahir.
Elle séduit alors Samson et essaie par trois fois de lui soutirer son secret. À chaque fois, Samson lui répond par un mensonge. Lorsque Dalila lui demande pour la quatrième fois de partager avec elle son secret, Samson finit par lui révéler que sa force lui vient de sa chevelure de nazir, car il est consacré à Dieu.
Elle l'endort sur ses genoux et rase ses sept tresses pendant son sommeil le privant ainsi de sa force et du secours de Dieu. Elle appelle alors des Philistins qui lui crèvent les yeux et le font prisonnier.
Façade de Saint-Trophime, Arles, Bouches-du-Rhône.
Pendant que Samson dort sur les genoux de Dalila, on coupe sa légendaire chevelure.
Notre-Dame de Gargilesse, Indre.
Dalida coupe les cheveux de Samson endormi.
Cloître de la cathédrale de Gerone, Catalogne.
Samson est endormi sur les jambes de Dalila qui lui coupe les cheveux en présence de deux Phillistins.
Bethsabée et David
2 Samuel, 11-12. Le roi David, se promenant sur la terrasse de son palais, aperçoit Bethsabée en train de se baigner. Bien qu'il ait appris qu'elle était mariée à Urie, l'un de ses soldats parti assiéger une ville, il a une relation avec cette femme qui tombe enceinte.
David rappelle le mari de Bethsabée de la guerre pour qu'il dorme avec sa femme, mais celui-ci refuse et dors avec ses hommes. Le roi pousse alors le commandant de son armée, Joab, à lancer une attaque hasardeuse dans le but de faire périr Urie au combat.
Après la période de deuil, David épouse Bethsabée et un enfant naît de leur union. Le prophète Nathan apprend alors à David que cette façon de faire a déplu à Dieu et qu'en châtiment, ce n'est pas ce fils aîné de David qui héritera du trône. David implore le pardon de Dieu, l'enfant de Bethsabée tombe malade et David jeûne plusieurs jours, jusqu'au décès de l'enfant.
"Le septième jour, l'enfant mourut. David consola Bethsabée, sa femme, et il alla auprès d'elle et coucha avec elle. Elle enfanta un fils qu'il appela Salomon, et qui fut aimé du seigneur " 1 Rois, 1.
Elément du frontispice de Santa Maria de Ripoll, Catalogne.
Rêve de Salomon demandant la Sagesse.
Jugement de Salomon pour un enfant.
Salomon enfant sur la mule royale pour recevoir l'onction de son père.
David assis écoute un personnage nimbé Nathan dit sa résolution que David soit roi et l'écoute de Bethsabée.
Le départage de deux femmes par Salomon
Le Premier Livre des Rois ( 3, 16-28 ) met en scène Salomon statuant d'une manière surprenante sur le désaccord de deux femmes ayant chacune mis au monde un enfant, mais l'un était mort étouffé. Elles se disputèrent alors l'enfant survivant.
Pour régler ce litige, Salomon demanda une épée et ordonna de partager l'enfant vivant en deux et d'en donner une moitié à chacune des requérantes….
L'une des femmes déclara qu'elle préférait renoncer à l'enfant plutôt que de le voir mourir. De ce fait, Salomon reconnut la véritable mère de l'enfant. Il lui donna le nourrisson et sauva ainsi la vie de l'enfant.
La décision du roi d'Israël restera connue sous le vocable de jugement de Salomon.
Le texte mérite d'être rapporté :
"24 Et le roi dit : « Prenez pour moi une épée » – et ils apportèrent l’épée devant le roi.
25 Et le roi dit : « Tranchez l’enfant vivant pour deux, et donnez la moitié à une et la moitié à une. »
26 Et la femme dont l’enfant était le vivant dit au roi – car ses matrices étaient émues au sujet de [sur] son fils – et elle dit : « À moi, Monseigneur ! Donnez à elle l’enfanté vivant, mais surtout ne le faites pas mourir ! » Mais l’autre disait : « Ni à moi, ni à toi il ne sera ! Tranchez ! »
27 Et le roi répondit et dit : « Donnez à elle l’enfanté vivant, mais surtout ne le faites pas mourir : celle-là (est) sa mère. »
28 Et tout Israël entendit le jugement qu’avait rendu le roi et ils craignirent le roi car ils avaient vu que la sagesse de Dieu (était) en son coeur pour faire jugement."
Notre-Dame de Gargilesse, Indre.
Tableau du Jugement de Salomon perplexe entre la femme ( sans tête ) agenouillée, probable mère de l'enfant, et l'autre femme.
Détail. La tête de chat - un symbole du mal - au-dessus du personnage féminin montre qu'il s'agit de la femme essayant d'influencer le juge.
Détail. La mauvaise femme convoitant l'enfant.
Ancienne abbaye de Saint-Ruf à Valence. Musée du Louvre.
Une autre variante dans laquelle on peut noter la présence, en bas à droite, d’une chouette indiquant le caractère nocturne de la scène supérieure.
Suzanne au bain et les deux vieillards
Livre de Daniel 13, 1-64 .Composition se rapportant à un épisode biblique relatant l'histoire d'une jeune femme, Suzanne qui, observée alors qu'elle prend son bain, refuse les propositions malhonnêtes de deux vieillards.
Chapiteau du triforium. Abbatiale de Fleury, Saint-Benoît-sur-Loire, Loiret.
Suzanne représentée dans son bain et épiée par les deux vieillards qui la désirent.
Comme elle se refuse à eux, ils l'accusent de tromper son mari Ioakim.
Pour se venger, ceux-ci l'accusent alors d'adultère et la font condamner à mort, mais le prophète Daniel, encore adolescent, intervient et prend la défense de Suzanne. Il interroge séparément les deux vieillards et révèle ainsi leur faux témoignage, d'autant plus grave qu'ils étaient juges.
L'innocence de Suzanne ayant été prouvée, les deux vieillards sont condamnés.
Judith et Holopherne
Livre de Judith. Judith tente de sauver sa ville assiégée par le général assyrien Holopherne. Au cours d'un banquet qu'elle organise en l' honneur de l'assiégeant elle l'enivre au point de perdre connaissance et le décapite et emporte sa tête dans un panier. L'armée ennemie est démoralisée à la vue de son chef assassiné... La ville de Béthulie en Israël est sauvée.
Eglise de Foussais-Payré, Vendée.
Au tympan de l'arcade aveugle latérale nord, on peut voir une sculpture en demi-bosse, assez détériorée, représentant un personnage barbu couché sur un lit, en partie couvert par une draperie, la tête appuyée sur la main droite, la main gauche et une jambe pendante en dehors du lit. A ses côtés se tient un personnage debout supportant une draperie sur son bras étendu.
Parmi les multiples hypothèses interprétatives qui ont été avancées il semble que soit généralement privilégiée l'histoire de Judith et d'Halopherne.
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