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Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, Poitiers
Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, Poitiers
  • © Janvier 2023 joël jalladeau Courriel 0

Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, Poitiers

Des peintures murales redécouvertes
sur la voûte de la chapelle du bras sud du transept

De remarquables témoignages de l'art du XIIIe siècle
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L’histoire récente de cette découverte exceptionnelle commence en 2012 . A la suite d'infiltrations d’eau depuis de longues années sur une partie de la voûte de la chapelle du bras droit du transept, des travaux de maçonnerie devaient être engagés. Des sondages préalables sous l’enduit sont alors effectués car il existait des mentions anciennes de la présence d'un décor figuratif et surtout ce dernier affleurait par endroits sous le badigeon blanc appliqué en 1783. Ces sondages ont confirmé la présence de décors peints historiés du XIIIe siècle.



Vue d'ensemble de la chapelle Sud.






La scène du Jugement dernier
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Le voûtain côté est évoque le Christ juge.  Le Christ trône sur un bâtiment architectural gothique symbolisant la Jérusalem céleste. Il est entouré par Marie et saint Jean représentés en intercesseurs. À leurs pieds, des anges annoncent le début de la résurrection des morts.


Vue d'ensemble du voûtain côté est


Détail. Le Christ, entouré de Marie et de saint Jean est représenté sur une sorte de trône qui est en fait un bâtiment gothique.


Plan rapproché du Christ juge- figuré tête allongée et petite- portant les stigmates de sa Passion sur ses mains et son côté.


Marie figurée à droite du Christ porte la coiffe de l'époque.


Plan rapproché de saint Jean représenté à la gauche du Christ. A coté nous avons juxtaposé le saint Jean du vitrail de la Crucifixion.


Les instruments de la Passion sont portés par deux anges.

Détail : l'ange portant la croix et les clous.


Détail : l'ange portant la lance et la couronne d'épines.


Deux anges jouent de la trompette … … et les morts sortent de leurs tombeaux.



Ce ne sont pas des ossements qui se lèvent de leurs tombeaux mais des personnages habillés.



Plan rapproché : on observera la gestuelle et les visages.


Une image de la béatitude : le giron d'Abraham
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Dans les représentations iconographiques médiévales, Abraham représente le paradis : le patriarche accueille les justes dans un linge qu'il tient entre ses bras écartés.


Vue d'ensemble du voûtain côté ouest.



Dans une sorte de grande pièce d'étoffe Abraham accueille les âmes des justes figurés la tête couronnée.
Cette scène est une représentation iconographique classique que l'on trouve partout ailleurs tant dans l'art roman qu'à la période gothique ainsi qu'en témoignent les deux exemples ci-après.

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A gauche, Abraham reçoit dans son giron l'âme d'un élu. Abbaye Saint-Pierre, Moissac, Tarn-et-Garonne. A droite, Abraham accueille dans son sein les âmes des élus ; le patriarche trône sous un dais symbolisant la Jérusalem céleste. Tympan central de la cathédrale gothique de Bourges, Cher.


A la gauche d'Abraham est représenté le groupe des réprouvés, personnages sans auréole, comme l'atteste l'inscription " nescio vos "- je ne vous connais pas-
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Parmi ces figures, les experts émettent l'hypothèse, pour la femme se détachant au premier plan, d'une représentation d'une vierge folle tenant une lampe renversée.


De l'autre côté devaient figurer les élus dont on ne perçoit plus que le haut de leurs auréoles.


Corps nus versus corps vêtus dans les scènes de Jugement dernier
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A l'époque médiévale, les rapports à la nudité apparaissent notoirement ambigus parce qu'une dimension érotique n'était pas forcément associée au corps nu. La nudité, loin d'évoquer la sexualité, la licence, est aussi le symbole de la pureté par la figuration de l'âme sous les apparences d'un enfant ou de l'innocence première sous les traits d'Adam et Eve avant la faute originelle ; dans l'imagerie des Jugements derniers les condamnés aux tourments infernaux seront représentés jetés nus dans la bouche béante du Léviathan. Ainsi au Moyen Âge, la nudité oscille le plus souvent entre le rappel de l'innocence d'avant le péché originel et la luxure. L’horizon du chrétien c’est la contemplation de Dieu. Lors du Jugement dernier les élus ( les brebis ) et les réprouvés ( les boucs ) seront séparés. Les premiers jouissant dans leur corps glorieux de la béatitude céleste tandis que les seconds seront tourmentés dans leur corps et dans leur âme. A l’époque médiévale, hommes et femmes vivaient avec ce bruit de fond permanent. Par ailleurs, sachant que le corps, vecteur de la faute originelle et des vices est aussi le corps des vertus et du salut, les corps des justes et des réprouvés doivent-ils être représentés nus ou habillés ? Telle était la question que se posaient les théologiens médiévaux. Le grand questionnement de l'évêque Honorius d' Autun au XIIIe siècle en est un bon témoignage : " les saints seront-ils habillés ou nus ? " La solution la plus purement théologique est celle de la nudité puisque, après le Jugement dernier le péché originel sera effacé pour les élus. Cette thèse est fortement soutenue par saint Augustin au motif de l'innocence retrouvée et de la totale absence de honte. Le vêtement étant un effet de la Chute, comme on l'a vu plus haut, il n'est pas utile de le montrer. Pour d'autres, en revanche, la nudité est moins affaire de théologie que de pudeur et de sensibilité. Les deux positions méthodologiques sont soutenues et soutenables. Les divers ateliers de sculpture et de peinture ont témoigné dans leurs œuvres, à leur façon et avec leur style propre, de ces interrogations et de ces positions. Les justes seront le plus fréquemment représentés habillés lors de leur accession à la béatitude céleste, le vêtement figurant en quelque sorte leur corps glorieux. Les réprouvés conserveront, en revanche, le plus souvent, dans les tourments infernaux l'état de nudité qu'ils avaient à la sortie du tombeau. Regardons néanmoins les choix effectués par les sculpteurs de notre cathédrale SainPierre et Saint-Paul… Le discours des clercs autour du thème de la nudité, de la honte et du péché d'ordre sexuel a si fortement imprégné les mentalités que les artistes, malgré les textes théologiques, ne se sont pas résolus à ne pas habiller les justes. En revanche, lorsque les anges sonnent de la trompette les corps ressuscités sortent de leurs tombes soit nus ( à Bourges, Poitiers ) ou vêtus ( Paris, Strasbourg ). Ces quelques éléments de statuaire montrent à la fois les parentés et les différences d'un édifice à l'autre dans la manière de représenter le même thème. De même, les différences de composition entre roman, gothique et transition entre le roman et le gothique peuvent apparaître à divers niveaux : harmonie plus ou moins grande de la composition, attitudes figées ou en mouvement…
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Le Couronnement de la Vierge
sous le regard d'anges musiciens
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Une autre composition scénique d'importance a été découverte sous l'enduit : le Couronnement de la Vierge Marie, thème fréquemment repris à l'époque médiévale.Trônant dans les cieux avec son fils, elle reçoit des mains de ce dernier une couronne.

Voûtain côté sud

Sur un ciel bleu constellé d'étoiles Marie est assise à la gauche du Christ qui se tourne vers elle et pose la couronne sur sa tête. Les deux personnages sont représentés sur le même trône en forme d'église gothique. De part et d'autre de l'édifice quatre anges accompagnent en musique ce couronnement. On est en présence d'une figuration du mystère qu'est l'union du Christ et de la Vierge.


Tous deux assis sur un trône composé d'éléments d'architecture gothique le Christ tenant le Livre d'une main couronne de la main droite Marie penchée vers lui.

Plan rapproché de Marie dans une attitude de prière. Le visage empreint de sérénité et d'un délicat sourire elle reçoit la couronne de la main du Christ.

La scène du couronnement ne serait pas complète sans la superbe présence d'anges musiciens. Ainsi sur la gauche un ange magnifique joue de la viole à archet.


Sur ce plan rapproché on remarque la finesse des doigts et le beau visage de l'ange instrumentiste..

Un autre ange musicien, jouant de la cithare. au-dessous du précédent.


De l'autre côté on discerne notamment un autre ange musicien malheureusement en mauvais état.

Les anges porteurs de couronnes
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Dans l'iconographie médiévale, d'une façon systématique, quand les êtres célestes se manifestent aux hommes ils prennent une apparence humaine et sont représentés comme ayant des ailes, manière de signifier le spirituel par la légèreté et la rapidité de déplacement.


Voûtain côté nord
Sur un fond de ciel bleu constellé d'étoiles quatre anges aux ailes dépliées semblent reposer chacun sur un nuage.

Trois des anges aux ailes particulièrement soignées tiennent dans chaque main une couronne réservée aux élus.


Un des anges aux traits particulièrement délicats.



A l'extrémité inférieure droite du présent voûtain un ange thuriféraire est tourné vers le Christ du voûtain du Jugement dernier.


Plan rapproché de l'ange balançant son encensoir dans un geste de louange envers le Christ.



Figures de saints
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Des saints figurés sur les parois verticales au-dessus de la coursière du bras du transept viennent compléter les scènes des voûtains. Ils sont représentés sous des décors architecturaux d'inspiration gothique. ♦️Vous avez dit saints ? Aujourd'hui, le mot saint et ses expressions associées font partie du vocabulaire courant : on parle d’ un « saint homme », en évoquant une personne qui mène une vie exemplaire ; de même, « prêcher pour son saint » c’est louer, vanter quelque chose pour en tirer avantage personnellement... Ces différentes acceptions montrent que le terme de saint continue à faire recette dans le langage courant, mais ces formulations profanes nous éloignent de la signification théologique du vocable « saint ».
La sainteté est un concept divin. Selon la doctrine chrétienne Dieu seul est absolument saint. Mais parce qu’il est entièrement amour Dieu invite tous les hommes à partager sa sainteté. Les femmes et les hommes qui ont répondu à cet appel et qui de ce fait ont été associés, dans l’autre monde, à la sainteté divine peuvent eux-mêmes être appelés saints. Le saint est donc la personne - qu’une vie hors du commun a séparé des autres hommes - et qui parvient sur terre à un état de communion relative avec le Christ et jouit ensuite de la béatitude éternelle.
♦️Ainsi on observe dans cette chapelle, d'après les spécialistes, de la gauche vers la droite : saint Savin, saint Cyprien, saint Martin, saint Thomas, saint Paul, saint Pierre, saint Eustache (?), saint Maurice.






Saint photographié debout foulant à ses pieds un être monstrueux ; faut-il y voir une évocation du mal ?


Les saints Pierre et Paul, placés sous le Couronnement de la Vierge

L'apôtre Pierre, comme toujours, reconnaissable par sa clef.


L'apôtre Paul.


La cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul n’a pas fini de livrer tous ses secrets. De nouveaux sondages ont en effet révélé l’existence d’autres peintures sous les enduits. Il ne reste qu'à espérer qu'elles puissent être mises au jour…
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