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Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, Poitiers
Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, Poitiers
  • © Janvier 2023 joël jalladeau Courriel 0

Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, Poitiers

Les portails

Les trois portails de la façade occidentale de la cathédrale. Milieu du XIIIe siècle.

De l'importance du portail comme seuil ou le symbolisme de la porte.

Les portails des édifices religieux sont les portes d'entrée dans le monde sacré pour se détacher du monde profane.
Qui franchit la porte comprend que son déplacement est délibéré et non marche automatique à l'image de l'agitation humaine. La porte constitue, dans un édifice, par définition un passage entre l'extérieur et l'intérieur, mais au-delà de cette évidence le franchissement de ce seuil est pourvu de significations symboliques. Une porte dans la vie quotidienne a plusieurs fonctions. Tout dans le franchissement de son seuil conduit celui qui s'apprête à passer le pas à un changement d'état ; elle marque tout à la fois la séparation et la communication entre deux espaces. Le christianisme lui a donné une signification d’autant plus forte que le Christ se définit lui-même comme " la porte des brebis ", que saint Pierre, investi du pouvoir des clefs, est le gardien de la porte du Paradis, et que la Vierge est appelée " Porte du ciel ". Lieu de transition, passage entre le monde profane et l'espace sacré, la porte fait pénétrer le fidèle dans la maison du Seigneur, le conduit sur la voie du Salut et semble faire directement écho à la parole du Christ transmise par l'évangile de Jean. La porte est le lieu du franchissement qui permet d’accéder à un autre espace, matériel et/ou symbolique. Ces deux fonctions se retrouvent en Jésus-Christ. Il est l’intermédiaire entre le ciel et la terre, il est le seul, l’unique médiateur entre Dieu et les hommes (1 Tim.2 :5) ; il marque le passage des ténèbres du péché à la lumière du royaume de Dieu. Dans le livre II de ses Homélies sur Ezéchiel les I, III et VI Grégoire le Grand ( 540-604 ) a développé un symbolisme complexe de la porte qui peut constituer une préfiguration des portails sculptés de l'époque médiévale comme le montre Michel Maupoix (Art sacré, n° 28 ) : - en s'appuyant sur l'Evangile de Jean la porte c'est le Christ "porte des brebis" . Le Christ a dit : « Moi, je suis la porte » (Jn 10, 7). - puis Grégoire le Grand lie les images symboliques de la voie, du chemin et celle de la porte. Le Christ est pour nous la porte et aussi le chemin qui mène à cette porte, qui est encore porte de l'Eglise et porte de la lumière, c'est-à-dire accès au salut. Cette fonction édifiante de l'image est particulièrement nette et abondante sur les tympans, les voussures et les chapiteaux. On sait que Grégoire le Grand insiste sur le rôle pédagogique de l'imagerie. Cette dernière raconte l'Ancien Testament, met en scène le Christ et les saints, montre le combat du bien et du mal, sépare les élus des damnés.
Délimitant l'espace entre sacré et profane, la porte est un lieu d'accueil, de franchissement, mais aussi d'exclusion pour celui qui n'en passe pas le seuil. Commanditaires et sculpteurs ont œuvré pour orner les portails et leur rendre une fonction symbolique et cultuelle. "A preuve, les rituels qui se déroulent devant ou sous le portail. Le décor ne peut se comprendre si l'on ignore ce qui s'y fait : lectures, chants, sermons, processions. A l'extérieur comme à l'intérieur de l'église, l'iconographie, la liturgie et la pastorale ont partie liée" rappelle
Michel Pastoureau ( 2014, p.13 ). Aujourd'hui comme hier les diverses fonctions de la porte ont toutes été reprises par le symbole de la Porte Sainte. Le signe de la Porte Sainte,"évoque le passage que tout chrétien est appelé à effectuer du péché à la grâce. Jésus a dit:  "Moi, je suis la porte" , pour montrer que personne ne peut accéder au Père sinon par lui. Cette affirmation de Jésus atteste que lui seul est le Sauveur envoyé par le Père. Il n'y a qu'une seule porte qui ouvre toute grande l'entrée dans la vie de communion avec Dieu, et cette porte, c'est Jésus, chemin unique et absolu de salut. A lui seul on peut appliquer en toute vérité la parole du Psalmiste:  " C'est ici la porte du Seigneur:  qu'ils entrent, les justes!" (Ps 118 [177], 20).

Franchir la Porte Sainte symbolise le passage du péché vers la grâce. Toujours ouverte, la porte exprime l’attente de Dieu qui se tient sur le seuil les bras ouverts pour nous faire entrer dans la miséricorde. Passer la porte requiert donc qu’on laisse derrière soi le péché pour rejoindre l’amour et le pardon. Avant de franchir la Porte, il faut se mettre en route. Comme un pèlerin appelé à aller de l’avant, chacun marche à la rencontre du Père miséricordieux, sur un chemin de conversion. Passer le seuil de la porte, c’est un acte de foi du croyant qui reconnait en Jésus-Christ le Seigneur. C’est par lui que l’on peut connaître et entrer en communion avec Dieu. Le Christ est le Sauveur envoyé par le Père qui permet à tout homme de passer du péché à la grâce.

Le portail du Jugement dernier

Dans le Sermon sur la montagne c'est avant tout l'impératif de l'amour de Dieu et d'autrui qui est mis en avant et c'est avec des métaphores variées - moisson, festin auquel on est admis ou pas…- que le Jugement dernier est évoqué par le Nouveau Testament. A la droite du Christ sont figurées les âmes des élus ! Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite :"Venez ,les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j'avais faim et vous m'avez donné à manger; j'avais soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ; j'étais nu, et vous m'avez habillé ; j'étais malade, et vous m'avez visité ; j'étais en prison, et vous êtes venus jusqu'à moi". Alors les justes lui répondront :"Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu…? tu avais donc faim, et nous t'avons nourri ? tu avais soif et, et nous t'avons donné à boire ? tu étais étranger et nous t'avons accueilli ? tu étais nu, et vous t'avons habillé ? tétais malade ou en prison. Quand sommes-nous nus jusqu'à toi? Et le Roi leur répondra : "Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait !" Matthieu 25, 34-40 Le Christ se solidarise avec la condition des plus pauvres, ces hommes et femmes humbles. Le juge divin qui vient auréolé de gloire procéder au jugement des populations, nations et de chacun demande à être identifié dans la figure des plus humbles. Une double conséquence peut être tirée : d'une part, l'indifférence est honnie, le salut se joue devant la misère d'autrui, de l'autre, les actes évoqués sont d'une grande simplicité. Nulle nécessité d'une connaissance approfondie de la Bonne nouvelle pour répondre à ces exigences posées par le juge divin. Il n'est pas davantage possible d'invoquer son incompétence, son manque d'instruction. Le programme de vie proposé s'appuie sur la satisfaction des besoins de base de tous. Ce que Daniel Marguerat résume fortement en disant que la seule question qui nous sera posée sera : avons-nous été humains ? " (2012, p. 109). En fait c'est l'orientation du cœur qui compte plus que d'être riche ou démuni de biens matériels. Le vrai pauvre au sens évangélique est celui qui vit les Béatitudes. La vraie pauvreté libère le cœur pour aimer totalement.


Portail central de la façade occidentale de la cathédrale Saint-Pierre. Milieu du XIIIe siècle.

Le tympan comporte trois registres.


Tympan représentant le Christ assis sur un trône, entouré d'anges tenant des trompes et les instruments de la Passion : croix, clous, lance et couronne d'épines. La Vierge et saint Jean, agenouillés, implorent la clémence du Christ pour les hommes lors du jugement dernier.
Le Sauveur montre les signes de son supplice ; à ses côtés deux grands anges debout présentent l'un la croix, l'autre les clous et la lance brisée.
Aux extrémités deux anges mutilés sonnaient de la trompette pour appeler les élus.
On peut rapprocher cette scène de celle des peintures murales de la chapelle du transept sud de la cathédrale. ( voir ci-après).




Parmi la cohorte d'élus de toutes conditions se remarque saint François par sa tenue vestimentaire.

Les élus sont conduits par les anges vers une porte, celle du Paradis.



A droite des diables poussent des damnés vers la gueule de l'Enfer grande ouverte.


On observe des gens de toutes catégories. On croit même y voir un évêque et une femme de qualité coiffée d'un touret à mentonnière.


Un diable charge sur son dos un damné pour le précipiter en enfer.


Au linteau, les morts sortent de leurs tombeaux pour la pesée des âmes présidée par l'archange Michel.



La composition de l'ensemble est assez débordante de mouvement.
On peut rapprocher cette scène de celle des peintures murales de la chapelle du transept sud de la cathédrale. ( voir ci-après).


Les voussures, séparées par des cordons de vigne vierge, contiennent des statuettes sous dais de patriarches, prophètes et saints…


Le portail Sainte Marie

Le portail nord ( à gauche ) comporte, en deux registres, les scènes du couronnement de Marie et de la Dormition.
Le tympan présente quatre voussures ; les statuettes de femmes y sont en plus grand nombre qu'au portail du Jugement dernier.



Au registre supérieur du tympan, la Vierge, assise près de son fils, va être couronnée par le Christ.
Dans la voussure, prennent place des saintes, des saints et des clercs.

On peut rapprocher cette scène de celle des peintures murales de la chapelle du transept sud de la cathédrale ( voir ci-après).


Première des élues, Marie étendue sur un lit d'apparat, est veillée par les apôtres et des saintes femmes.
Sur les côtés, deux anges sont prêts à l'élever au ciel.
Le portail Saint Thomas


C'est le tympan du portail de droite qui comporte les scènes de l'incrédulité de l'apôtre Thomas et de son histoire légendaire.
Ce choix thématique est rare dans la sculpture gothique.



Les diverses compositions scéniques du tympan sont encadrées par huit anges entourant le Christ bénissant situé sur la clef de l’arc.
Le tympan s'organise selon deux niveaux, séparés par une série d'ondulations qui évoquent les nues. Chaque registre figure un épisode de la vie légendaire de l'apôtre. L'interprétation se fait du registre inférieur vers le registre supérieur du tympan.



Au niveau inférieur on observe trois groupes composés de trois personnages chacun autour du thème fédérateur de la venue du Christ ressuscité.


La composition centrale rappelle l'incrédulité de Thomas au Cénacle lequel n'est d'ailleurs pas représenté comme il le sera par exemple à la cathédrale de Strasbourg. Un jeune apôtre imberbe regarde la scène.


Le Christ lève le bras droit au-dessus de la tête de l'apôtre qui dirige sa main gauche vers le côté du Ressuscité.


Sur la scène de gauche, trois apôtres debout - dont un imberbe - tiennent des livres pendant qu'un ange derrière eux les observe.



A droite on retrouve trois apôtres dont le regard est tourné vers Le Christ et Thomas.
Le premier pourrait être Pierre avec les restes d'une clé et un livre ; le second André portant les restes de la croix de son martyre; le troisième plus jeune tient un livre décoré.



Sous le Christ bénissant on observe une maison supportée au ciel par deux anges ; cette construction d'une simplicité extrême figure la vision du palais bâti dans le ciel par Thomas avec les richesses du roi Gondoforus distribuées aux pauvres.




Deux anges sont accoudés aux fenêtres trilobées de l'étage du palais ; deux autres anges sont sur le pas des portes du rez-de-chaussée et semblent faire un geste vers la composition scénique de dessous. Quatre têtes sont figurées sous la maison ; les deux visages de droite se font face.




Partie droite du niveau supérieur : un personnage figuré assis qui pourrait être Gab - le frère du roi - qui mourut et ressuscita en témoignant que le palais de Thomas était devenu un édifice couvert d'or et de pierreries dans le ciel ; le roi Gondoforus se convertit et se fit baptiser.
Les quatre personnages debout et légèrement penchés semblent en discussion alors que derrière eux un autre est agenouillé.
La scène étant disposée au-dessus du Doute de Thomas pourrait être une mise en perspective thème de la résurrection et de la foi, établissant un lien formel entre la Résurrection du Christ et celle de Gab (
Michel Maupoix, Art sacré, 29, p.141 ).



Le niveau supérieur est complété dans sa partie gauche par une dernière composition scénique : devant un personnage agenouillé en position d'oraison se tiennent trois personnages debout regardés par un autre accroupi devant le trio.




Les voussures sont habitées de personnages divers.



Des évêques et des saints.



Sur la voussure interne une Vierge sage ayant conservé sa lampe.



La voussure interne droite représente des Vierges folles mais les lampes renversées ont été cassées.


Sur la deuxième voussure une belle figure de chevalier portant l'épée au côté en prenant appui sur son bouclier lequel dispose d'une croix pattée ; de la main droite il tient sa bannière.



Une autre évocation de chevalier.


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